La location « charges comprises » est une formule qui semble simple au premier abord : un loyer fixe incluant une somme forfaitaire pour les frais locatifs. Pourtant, cette apparente simplicité cache une réalité complexe, source de malentendus et de litiges entre occupants et bailleurs.
Nous allons explorer en détail les aspects juridiques, décrypter ce qui est réellement inclus dans les frais, et vous donner les clés pour éviter les mauvaises surprises. Comprendre les tenants et aboutissants de la location « charges comprises » est essentiel pour garantir une relation locative sereine et équilibrée, que vous soyez occupant ou bailleur. Nous aborderons également les recours possibles en cas de contentieux, ainsi que les perspectives d’avenir de cette forme de location.
La définition légale précise : démystifier les termes juridiques
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la notion de « charges comprises » ne possède pas une définition légale formelle. Elle s’appuie plutôt sur un ensemble de lois et de décrets qui encadrent les relations locatives, notamment la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et ses décrets d’application. Il est donc crucial de comprendre ce cadre légal pour bien appréhender ce que recouvre réellement cette expression couramment utilisée. Après avoir posé ce constat, explorons le cadre légal plus en détail.
Cadre légal
Le cadre légal de la location en France est défini principalement par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui régit les rapports locatifs. Cette loi, complétée par des décrets d’application, établit les droits et obligations des occupants et des bailleurs. Il est important de noter que la mention « charges comprises » n’est pas une définition inscrite dans cette loi, mais plutôt une pratique contractuelle qui doit respecter les règles générales des frais locatifs. Ainsi, les termes du contrat de location, notamment la liste des frais inclus, sont déterminants et doivent être interprétés à la lumière de cette législation. Plus précisément, l’article 23 de cette loi encadre les charges récupérables par le bailleur.
Ce qui est *habituellement* inclus
Dans une location « charges comprises », le loyer inclut généralement un forfait destiné à couvrir les frais dits « récupérables » ou « locatives ». Ces frais sont définis par le décret n°87-713 du 26 août 1987, qui liste les dépenses que le bailleur peut légalement répercuter sur l’occupant. Ces dépenses sont liées à l’entretien, aux réparations courantes et à certains services de l’immeuble. Il est crucial de bien comprendre ces catégories. Voyons cela plus en détail :
- Entretien des parties communes : Nettoyage des halls d’entrée, des escaliers, des couloirs, etc.
- Ascenseur : Entretien, réparations courantes et électricité de l’ascenseur.
- Chauffage collectif : Fourniture d’énergie (gaz, fioul, bois, etc.) et entretien de la chaudière collective.
- Eau froide et eau chaude : Fourniture d’eau et éventuellement l’entretien du système de production d’eau chaude collective.
- Espaces verts : Entretien des jardins et des espaces verts communs.
La différence entre « charges récupérables » et « charges locatives »
Il est essentiel de clarifier une confusion fréquente : les termes « charges récupérables » et « charges locatives » désignent en réalité la même chose. « Charges locatives » est le terme juridique correct, tandis que « charges récupérables » est une expression plus courante. Le bailleur « récupère » ces frais auprès de l’occupant, car elles correspondent à des dépenses qu’il a initialement engagées pour le compte de l’occupant. En résumé, ces deux expressions sont interchangeables et se réfèrent aux mêmes types de dépenses.
Ce qui *n’est pas* inclus et qui doit être clarifié dans le contrat de location
Malgré l’appellation « charges comprises », certaines dépenses restent généralement à la charge de l’occupant et ne sont pas incluses dans le forfait. Il est donc primordial de vérifier attentivement le contrat de location pour connaître la liste exhaustive des frais inclus et exclus. Un contrat de location imprécis peut être source de contentieux ultérieurs. L’occupant a le droit de demander des éclaircissements au bailleur avant de signer le contrat.
- La taxe d’habitation (et son évolution future) : Bien que progressivement supprimée, la taxe d’habitation reste généralement à la charge de l’occupant pour les résidences secondaires et les logements vacants. Il est important de se tenir informé des évolutions législatives concernant sa suppression progressive, car cela peut impacter la répartition des frais.
- La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) : Cette taxe peut être incluse dans les frais, mais ce n’est pas systématique. Le contrat de location doit préciser clairement si elle est à la charge de l’occupant et, le cas échéant, comment elle est calculée. Une facturation séparée est également possible.
- Les assurances : L’assurance habitation est obligatoire pour l’occupant, même en location « charges comprises ». Elle n’est jamais incluse dans le forfait et doit être souscrite individuellement par l’occupant.
Point d’attention : la précision du contrat de location est cruciale
La précision du contrat de location est l’élément clé pour éviter les litiges en matière de frais. Un contrat mal rédigé, avec des clauses ambiguës ou incomplètes, peut engendrer des interprétations divergentes et des conflits. L’occupant doit lire attentivement le contrat et s’assurer de comprendre toutes les clauses relatives aux frais. Si des termes lui semblent obscurs, il doit demander des éclaircissements au bailleur avant de signer le contrat. Afin de prévenir ces conflits, penchons-nous sur les avantages et les inconvénients de cette formule.
Les avantages et inconvénients de la location charges comprises : un équilibre à trouver
Opter pour une location « charges comprises » présente des atouts et des inconvénients tant pour l’occupant que pour le bailleur. Il est essentiel de peser soigneusement ces différents aspects avant de prendre une décision. Cette formule peut simplifier la gestion budgétaire, mais elle peut aussi masquer un manque de transparence et une absence d’incitation à la sobriété énergétique.
Pour l’occupant
Le principal attrait de la location « charges comprises » pour l’occupant réside dans sa simplicité et sa prévisibilité budgétaire. L’occupant connaît à l’avance le montant total de son loyer et n’a pas à se soucier des variations de frais. Cependant, cette formule présente aussi des inconvénients qu’il convient de ne pas négliger.
- **Avantages :**
- Prévisibilité budgétaire : L’occupant connaît le montant exact de son loyer mensuel, frais inclus.
- Simplicité de gestion : Pas de régularisation annuelle des frais.
- **Inconvénients :**
- Forfait potentiellement supérieur aux dépenses réelles : L’occupant peut payer plus que sa consommation réelle sans possibilité de remboursement.
- Manque de transparence sur la répartition des frais : Difficile de savoir comment le forfait est calculé.
- Potentielle absence d’incitation à la sobriété énergétique : L’occupant n’est pas directement incité à réduire sa consommation.
Pour le bailleur
Du côté du bailleur, la location « charges comprises » simplifie la gestion locative. Il n’a pas à effectuer de régularisation annuelle des frais et peut potentiellement fixer un loyer légèrement plus élevé. Néanmoins, cette formule comporte également des risques à prendre en compte.
- **Avantages :**
- Simplification de la gestion : Pas de régularisation annuelle des frais, gain de temps et d’énergie.
- Potentiellement un loyer légèrement plus élevé : Possibilité d’intégrer une marge dans le forfait.
- **Inconvénients :**
- Risque de sous-estimation du forfait : Difficulté à anticiper l’évolution des frais.
- Difficulté à ajuster le forfait en cours de bail (sauf clauses spécifiques et justifiées) : Perte de flexibilité en cas d’augmentation des frais.
- Responsabilité en cas de mauvaise gestion des frais : Le bailleur doit justifier le montant du forfait.
L’alternative : location avec provisions sur frais et régularisation annuelle
Une alternative à la location « charges comprises » est la location avec provisions sur frais et régularisation annuelle. Dans ce cas, l’occupant verse chaque mois une provision pour frais, calculée en fonction des dépenses prévisionnelles. En fin d’année, le bailleur effectue une régularisation en comparant les provisions versées avec les dépenses réelles. Cette formule offre une plus grande transparence et une meilleure maîtrise budgétaire, mais elle nécessite une gestion plus rigoureuse.
L’encadrement juridique spécifique : régularisation, augmentation du forfait, recours
Bien que la location « charges comprises » implique un forfait, l’encadrement juridique prévoit des règles spécifiques concernant la régularisation, l’augmentation du forfait et les recours possibles en cas de contentieux. Il est essentiel de connaître ces règles pour faire valoir ses droits.
La régularisation des frais : est-elle possible ?
En principe, la location « charges comprises » exclut toute régularisation. Le forfait est fixe et ne peut être ajusté en fonction des dépenses réelles. Cependant, il existe des exceptions, notamment en cas de clause de révision du forfait ou de travaux d’amélioration énergétique.
L’augmentation du forfait « charges comprises » : conditions et limites
L’augmentation du forfait « charges comprises » est strictement encadrée par la loi. Elle n’est possible que si le contrat de location contient une clause de révision du forfait ou en cas de travaux d’amélioration énergétique. L’augmentation doit alors respecter des conditions précises. Prenons l’exemple d’une jurisprudence récente :
- **Clause de révision du forfait :** Cette clause doit être rédigée de manière précise et indiquer l’indice de référence utilisé pour l’indexation du forfait (par exemple, l’indice des prix à la consommation). L’augmentation doit être justifiée et respecter les conditions prévues par la clause.
- **Travaux d’amélioration énergétique :** Des travaux d’amélioration énergétique (isolation, remplacement de chaudière, etc.) peuvent justifier une augmentation du forfait, à condition que les travaux aient été réalisés conformément à la loi et que l’augmentation soit proportionnée aux économies d’énergie réalisées.
Recours possibles en cas de contentieux
En cas de contentieux concernant les frais, l’occupant dispose de plusieurs recours. Il peut d’abord tenter une résolution amiable du conflit, puis saisir la Commission Départementale de Conciliation (CDC) ou le tribunal compétent. Ces différentes étapes sont à suivre dans l’ordre.
- **Mise en demeure et conciliation :** Envoyer une lettre de mise en demeure au bailleur pour lui demander de justifier le montant des frais ou de respecter les clauses du contrat de location. Tenter une conciliation amiable avec l’aide d’un conciliateur de justice.
- **Commission Départementale de Conciliation (CDC) :** Saisir la CDC, un organisme paritaire composé de représentants des occupants et des bailleurs, pour tenter de trouver une solution amiable.
- **Tribunal :** En dernier recours, saisir le tribunal compétent (tribunal d’instance ou tribunal de grande instance) pour faire valoir ses droits.
Jurisprudence
La jurisprudence offre des cas concrets de litiges liés aux frais en location. Par exemple, la Cour de cassation a statué (Cass. civ. 3e, 13 juillet 2005, n° 04-14.591) sur une augmentation abusive du forfait, soulignant le manque de transparence dans la répartition des frais. Ces décisions de justice permettent de mieux comprendre l’interprétation de la loi et les droits des occupants et des bailleurs. Les décisions des juges sont donc précieuses pour éclairer cette situation.
Évolutions légales et perspectives d’avenir : vers plus de transparence et de maîtrise des frais
Le paysage législatif en matière de location évolue, notamment en raison des enjeux de la transition énergétique et de la volonté d’améliorer la transparence des relations locatives. Ces évolutions impactent directement la location « charges comprises ».
Les enjeux de la transition énergétique
La législation évolue pour encourager la sobriété énergétique et la rénovation des logements. Le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) joue un rôle de plus en plus important dans les locations. Un logement mal noté au DPE peut entraîner des difficultés pour le bailleur, notamment en termes de location et de fixation du loyer. De nombreuses aides sont d’ailleurs disponibles pour améliorer le DPE des logements.
La fin progressive de la taxe d’habitation
La suppression progressive de la taxe d’habitation a un impact direct sur les locations « charges comprises ». Le contrat de location doit être mis à jour pour tenir compte de cette réforme et ajuster le forfait en conséquence. Il est important de noter que, même si elle est progressivement supprimée pour les résidences principales, elle reste due pour les résidences secondaires et les logements vacants.
La numérisation et la transparence
Les outils numériques facilitent la gestion et le suivi des frais. Les plateformes de gestion locative et les applications mobiles permettent aux occupants et aux bailleurs d’accéder facilement aux informations relatives aux frais, de suivre leur consommation et de signaler les problèmes.
Propositions pour un meilleur encadrement
Pour améliorer l’encadrement de la location « charges comprises », il pourrait être envisagé de définir légalement cette notion de manière plus précise, d’imposer une obligation de transparence sur la répartition des frais et d’encadrer plus strictement les clauses de révision du forfait. Ces mesures permettraient de réduire les contentieux et de garantir une relation locative plus équilibrée. Des réflexions sont en cours à ce sujet au sein du ministère du Logement.
Conseils pratiques : louer ou proposer une location charges comprises en toute sérénité
Que vous soyez occupant ou bailleur, la location « charges comprises » peut être une solution à condition de prendre des précautions et de respecter des règles. Voici quelques conseils pour une location sereine.
Conseils aux occupants
Avant de signer un contrat de location en « location charges comprises », l’occupant doit être vigilant et prendre le temps d’examiner les clauses du contrat.
- Lire attentivement le contrat de location : Identifier les clauses relatives aux frais.
- Négocier le forfait : Se renseigner sur les dépenses réelles du logement.
- Surveiller sa consommation : Adopter des comportements éco-responsables.
- Conserver les preuves de paiement : En cas de contentieux.
Conseils aux bailleurs
Le bailleur qui propose une location « charges comprises » doit veiller à évaluer le forfait et à rédiger un contrat de location clair et précis. Il est important de justifier clairement le forfait proposé.
- Évaluer correctement le forfait : Se baser sur les dépenses réelles et anticiper les évolutions.
- Rédiger un contrat de location clair et précis : Éviter les clauses ambiguës.
- Être transparent sur la répartition des frais : Mettre à disposition les justificatifs.
- Se tenir informé des évolutions législatives : Adapter le contrat en conséquence.
La location charges comprises : un choix éclairé pour une relation locative sereine
En conclusion, la location « charges comprises » est un choix qui doit être mûrement réfléchi, tant pour l’occupant que pour le bailleur. Il est essentiel de bien comprendre les aspects juridiques, les atouts et les inconvénients de cette formule, et de se tenir informé des évolutions législatives. La transparence et la communication sont les clés d’une relation locative sereine et équilibrée. N’hésitez pas à consulter un professionnel de l’immobilier ou un juriste en cas de doute ou de litige.



